Mananjary, le 4 juin 2025
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Chers amis,
Nous sommes déjà au mois de juin ! Ma lettre annuelle ne vous est jamais parvenue aussi tard dans l’année. Ma lettre est également publiée dans la revue mensuelle des Missions Etrangères de Paris. Chaque année, c’est au mois de mars que la revue est consacrée à Madagascar. Changement cette année, c’est au mois de juillet que la revue sera consacrée à l’océan Indien et en particulier à Madagascar. Cela me laissait du temps, pris sous le flot des tâches, je ne voyais pas le temps passer. Plus question de remettre à plus tard. Veuillez m’excusez, chers amis, qui êtes nombreux à attendre cette lettre et pour certains d’entre vous, vous inquiéter de ne pas avoir de nouvelles. Si cela me touche, ce retard me dit combien vous portez intérêt à l’Hôpital Sainte-Anne.
"Nous arrivons à faire vivre l’Hôpital et à équilibrer nos comptes."
Sur ma précédente lettre du mois de février 2024, nous avions 7 mois de fonctionnement pour l’année 2023 puisque l’Hôpital ouvrait officiellement le 4 juillet de cette même année. A ce jour et pour toute l’année 2024, son fonctionnement plus que nous donner un certain nombre d’indicateurs intéressants et nécessaires, il nous confirme dans ce que nous pressentions et savions déjà.
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De plus en plus de personnes n’ont aucun moyen de se faire soigner. Vous le savez, si l’Hôpital Sainte-Anne est ouvert à tous sans distinctions aucunes de quelque ordre que ce soit, dans le projet initial, souhait de mon évêque et de moi-même (la raison, d’ailleurs, pour qu’en 2007, j’accepte de m’atteler à une telle tâche dont je pensais qu’elle pourrait dépasser ce que je savais déjà faire), il est d’abord destiné aux plus pauvres. Je m’étais engagé auprès du ministère de la santé publique de Madagascar lors de ma demande d’ouverture définitive d’appliquer la même tarification que dans les Hôpitaux publics. C’est une tarification très raisonnable pour le niveau de vie qui est le nôtre dans ce pays. Dans tous les pays, sauf exception peut-être et je crois que nous appartenons à cette catégorie, la tarification des hôpitaux et cliniques privés est très supérieure à la tarification du public. Malgré cela beaucoup de gens ne se font pas soigner. Bien sûr, cela montre le niveau de pauvreté d’un très grand nombre. Bien évidemment, je savais que l’Hôpital serait déficitaire. Néanmoins grâce à la générosité de tous, nous arrivons à faire vivre l’Hôpital et à équilibrer nos comptes.
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Une comptabilité en retard de 2 années, enfin à jour grâce à Timothé, volontaire des Missions Etrangères de janvier à décembre 2024. Une tâche fastidieuse, longue pendant plusieurs mois mais dont le résultat est ce que je pouvais espérer de mieux puisqu’ elle est, sûrement, à quelques Ariarys près. Elle nous permet, si vous m’autorisez l’expression « de voir où nous allons ». Je crois qu’il a été heureux de passer une année avec nous comme Rémi, son successeur, l’est depuis le mois de janvier dernier et dont les tâches sont plus diversifiées.
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Ces jeunes totalement donnés à la Mission pour une année sont pour le responsable que je suis et qui n’arrive pas encore à faire les choses dans les temps, des collaborateurs précieux dont l’Hôpital, désormais, aurait difficulté à se passer.
"Les mamans sont le plus souvent des femmes venant de brousse lointaine après un voyage très difficile."
Lire des chiffres est fastidieux ! Permettez-moi, néanmoins, de vous en donner quelques-uns puisque l’année 2024 a été « année pleine », la première ! Bien sûr, ils ne disent pas tout de l’activité de l’Hôpital et, surtout, ne disent pas, avec les moyens que nous avons, tout l’effort des équipes soignantes pour que toute personne, pauvre ou non, qui rentre à l’Hôpital soit prise en charge comme il convient d’autant plus que nous nous souvenons que trop souvent, elle arrive très tard voire trop tard. Une triste anecdote, l‘Hôpital se « vide » à l’approche des fêtes à la demande des malades qui attendent qu’elles soient passées pour venir avec les conséquences qu’il est aisé de supposer. Le 26 juin approche ; c’est la fête nationale dite aussi de l’indépendance. Une fête qui dure des jours et des jours. Les effets commencent déjà à se faire sentir. Que sera-elle ? La dernière récolte de riz a été très moyenne et le manioc pas encore à maturité ! Dans le service de chirurgie, nous avons reçu 365 malades avec 359 interventions chirurgicales dont certaines très lourdes. Notre chirurgien, le docteur Parfait, a réalisé, par ailleurs dans son service, 221 consultations externes.
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Dans le service maternité, nous avons eu la naissance de 94 bébés dont une vingtaine par voie basse dont 2 bébés mort-nés. Les autres bébés sont nés par césarienne. Il a fallu, malheureusement, déplorer 15 bébés mort-nés à l’arrivée à l’Hôpital. Les causes sont multiples : les mamans sont le plus souvent des femmes venant de brousse lointaine après un voyage très difficile, certaines n’ont jamais suivi de consultations prénatales, d’autres avaient une constitution qui ne permettait pas un accouchement par voie basse tentatives d’accouchement dans les villages par des « matrones » (terme employé ici dans le pays) dont la formation est parfois insuffisante et qui envoient à l’hôpital lorsqu’elles s’aperçoivent qu’elles n’arrivent pas à faire l’accouchement. Il faut noter, néanmoins que beaucoup d’enfants naissent encore dans les villages ou dans les centres de santé de base de brousse tenus par des infirmiers(ères) ou sage-femmes (un centre de santé de base est pour plusieurs villages) et que tout se passe généralement plutôt bien.
"Notre région sud-est de Madagascar est une région avec de très nombreux cas de drépanocytose."
Dans le service de médecine, nos 2 médecins ont hospitalisé 682 personnes : 501 adultes et 181 enfants. Ils ont, par ailleurs, faits 1 357 consultations externes. Lorsque le docteur Gérard, l’un de nos 2 médecins, travaillait encore à l’hôpital public de Mananjary, il s’occupait plus particulièrement des drépanocytaires. La drépanocytose est une maladie du sang héréditaire (malformation des globules rouges) qui touchent uniquement les personnes de couleur et qui se manifeste par des douleurs ostéo-articulaires chroniques. Si je puis le dire ainsi, les malades l’ont suivi à l’Hôpital Sainte-Anne. Notre région sud-est de Madagascar est une région avec de très nombreux cas. Si nous avons la possibilité, dans notre laboratoire, de détecter la maladie (test d’Emmel), nous ne pouvons pas savoir si le malade est homozygote (la forme la plus grave avec très souvent la nécessité de transfusions sanguines) ou hétérozygote. Cet examen ne peut se faire, actuellement, que dans la capitale. C’est un fort handicap pour une meilleure prise en charge des malades sans une machine qui nous permettrait d’y remédier. Un projet est en cours avec nos amis rotariens en espérant vivement qu’il aboutira car il rendra service aux malades de toute la région sud-est malgache.
Justement, à propos de notre laboratoire d’analyses, encore quelques chiffres : 3 517 personnes ont fait des analyses : 1 955 hospitalisés – 1 562 en externe (pour les initiés et les personnes qui ont besoin de faire faire des analyses régulièrement, le laboratoire est plutôt complet (biochimie – hématologie – sérologie – immunologie enzymatique – immunologie fluorescence – parasitologie et au mois d’août prochain, nous commencerons la bactériologie).
Nous sommes encore les seuls à Mananjary à pouvoir faire des radiographies d’excellente qualité avec notre appareil numérique. Il semblerait que l’appareil de l’hôpital public n’est pas encore fonctionnel. Nous avons donc reçu, l’année écoulée 384 patients hospitalisés et 688 en externe.
"L’Hôpital Sainte-Anne s’engage dans une nouvelle aventure."
Nous venons de faire, ensemble, un rapide tour de l’Hôpital ! Il y aussi le reste ! Le site fait toujours près de 10 ha… La construction du pôle mère/enfant enfin commencé depuis quelques mois progresse. Le gros œuvre du premier bâtiment, le plus grand de 2, arrive aux pignons. Les fondations du second en béton armé sont coulées. Encore une année de travaux probablement !
Sur la côte, sous un climat tropical, le potager que nous connaissons dans nos pays tempérés comme la France, se fait pendant l’hiver austral. Tout pousse ! Sauf les pommes de terre qui ne font que des feuilles, dit-on ! A voir ! Les légumes que nous utilisons pour la cuisine de l’Hôpital viennent des Hauts Plateaux. Ils sont assez chers. Il semblerait que des produits phytosanitaires soient maintenant utilisés.
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Les produits utilisés ? D’où viennent-ils ? Que sont-ils ? Seraient-ils autorisés ou non dans nos pays européens ? D’où une motivation plus grande pour terminer notre potager sans tarder. Aucun produit phytosanitaire n’est utilisé sur le site de l’Hôpital. Ce jardin potager avec ses futures 3 terrasses mesurera 1 500 m². Nous avons commencé ce travail titanesque avec une quantité phénoménale de terre à déblayer. Une terrasse est terminée et les premiers légumes poussent !
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L’Hôpital Sainte-Anne s’engage dans une nouvelle aventure qui s’avère nécessaire. Nous nous souvenons que la nourriture de base est le riz. Nous avons suffisamment de rizières pour produire nos 10 tonnes de riz blanc dont nous avons besoin annuellement. Malheureusement certaines parcelles ne sont pas suffisamment fertiles et nous n’avons obtenu que 7 tonnes en 2024.
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Il nous faut augmenter le rendement en fumant les rizières d’où l’idée d’une étable avec 2 vaches laitières et un taureau. Le projet a abouti et fonctionne magnifiquement bien ! Nous avons donc à la fois le fumier nécessaire à nos rizières et le lait frais pour nos malades qu’ils préfèrent sous forme de yaourts car peu habitués à boire du lait qui reste un produit trop cher pour la plupart des gens. Si vous me permettez encore une fois l’expression, c’est « un plus » franchement pas négligeable lorsque nous voyons l’état de dénutrition d’un grand nombre de malades aussi bien adultes qu’enfants.
"Vous nous encouragez à poursuivre inlassablement."
Une lettre annuelle pour dire la vie d’un hôpital au quotidien dont l’attention aux pauvres est essentielle, c’est bien court d’autant plus qu’il nous faut résoudre au quotidien de nombreuses difficultés. Elle nous est l’occasion de vous redire combien nous sommes touchés, alors que nous sommes si loin, de tout l’intérêt que vous nous portez de tant de manières et qu’il n’y a pas de mot pour vous redire nos chaleureux remerciements. Nous vous sommes redevables. Soutenus de la sorte, vous nous encouragez à poursuivre inlassablement. Nous commençons à travailler aussi sur le projet de pérennisation de cet hôpital. Nous vous en parlerons dans notre prochaine lettre annuelle.
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Nous sommes à quelques jours de la fête de la Pentecôte, temps fort pour les chrétiens ! Je vous souhaite une très belle fête à l’approche de l’été ! Quelles que soient nos convictions, je fais miennes, avec vous, ces quelques mots d’une superbe séquence que nous lirons en ce jour : Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles, de nous tous.
P. Jean-Yves
PJ : Je vous joins également l'excellent article qui paraîtra également dans notre revue de Rémi, notre coopérant (volontaire MEP), qui est arrivé au mois de janvier et qui sera avec nous jusqu'en janvier 2026.
ainsi que l'article de notre ami Jean-Marie Gautherot, de Strasbourg, rédacteur de la revue "La Maîtrise" de Besançon des anciens élèves et professeurs.